Velvet Terrorism au MAC : expo punk sur l’activisme performatif des Pussy Riot
John Zeppetelli, directeur général du Musée d’art contemporain de Montréal (MAC), nous raconte comment Maria Alyokhina, membre du collectif russe Pussy Riot, s’est alliée au célèbre artiste islandais Ragnar Kjartansson pour fabriquer une expo photo et vidéo « punk et colorée » retraçant les performances corsées et militantes du groupe à Moscou au fil des ans. À voir à Place Ville-Marie dès le 25 octobre 2023.
Like in a Red Prison, 2013, Denis Sinyakov
Même si l'édifice du MAC situé sur le quadrilatère de la Place des Arts est toujours fermé à cause des travaux d'agrandissement, les expositions se poursuivent dans différents lieux temporaires et prennent ces temps-ci une coloration très engagée. C’est John Zeppetelli qui le signale : « La Place Ville-Marie, par exemple, est un espace regorgeant de possibles, où l’on opère des expos dont je suis très fier, et je crois qu’un plus petit lieu comme celui-ci nous inspire des installations très politiques, parfois ancrées dans l’actualité brûlante. C’était le cas récemment de Terror Contagion, du collectif Forensic Architecture, qui met en relief une époque de cybersurveillance. Et c’est aussi le cas de Velvet Terrorism sur l’activisme anti-Poutine des Pussy Riot, dans le contexte déplorable où la Russie continue de faire la guerre à l’Ukraine. »
Les Pussy Riot, méconnues malgré tout
Elles sont souvent présentées comme un groupe musical punk. En vérité, elles orchestrent dans l’espace public des performances certes musicales, mais surtout des actions artistiques et politiques aux contours variés, toujours chargées d’un message militant s’opposant radicalement à l’autoritarisme grandissant de Vladimir Poutine. La plupart d’entre nous se rappellent leur « prière punk » dans une église orthodoxe en 2012, qui a été fortement médiatisée et qui a valu à trois d’entre elles deux ans d'emprisonnement en camp de travail.
« Mais au-delà de ce coup d’éclat qui a fait le tour du monde, leur travail est finalement très méconnu, souligne John Zeppetelli. Voilà pourquoi il était important de présenter cette expo. Les Pussy Riot sont très émouvantes parce qu’elles réinventent constamment les façons non violentes de s’opposer. Leur démarche soutenue et courageuse contre un système russe devenu aujourd’hui purement autoritaire m’inspire à la fois en raison de cette ténacité, mais aussi parce que, dans le désespoir de leurs gestes, il y a toujours un petit sourire en coin. C’est une question de survie. »
La touche de Ragnar Kjartansson
Crimea, 2014, avec l’aimable permission de Pussy Riot
De l’artiste islandais Ragnar Kjartansson, mondialement célébré, on connaît les œuvres vidéo à plusieurs écrans et les performances souvent baignées de musique et portées sur la répétition et l’éclatement de l’espace-temps. Ici, son esthétique se fait plus discrète : l’approche est documentaire et narrative. Mais l’esprit est punk et do-it-yourself. « Les photos sont collées directement sur les murs sans trop de cérémonie, explique John Zeppetelli. C’est une antiexposition, d’une certaine façon. »
Dialoguant avec les photos, une cinquantaine de clips vidéo font aussi partie de l’installation et montrent non seulement des actions artistiques, mais aussi les réactions des représentants de l’État ou des forces de l’ordre. « Ragnar dit que les Pussy Riot se sont engagées dans une danse avec le diable, donc avec les autorités russes. Cette danse avec le diable fait partie intrinsèquement des actions artistiques du groupe. Les réactions anticipées de l’État sont l’un des ferments artistiques. C’est entre autres ce que Ragnar a voulu mettre en relief dans l’expo. »
Velvet Terrorism, ou Terrorisme de velours : la Russie des Pussy Riot, est à voir du 25 octobre 2023 au 10 mars 2024 à Place Ville-Marie. Maria Alyokhina et Ragnar Kjartansson participeront à Montréal à des conversations publiques les 25 et 26 octobre. Le Théâtre Rialto présente aussi le 1er novembre un concert décrit comme « une performance en direct des Pussy Riot sous forme d’expérience multimédia activiste ».