Portrait de Montréal : Duke Eatmon
« Je suis un enfant des années soixante, et mes parents étaient très jeunes, ma mère était adolescente ! Ils avaient encore l’âge de passer la nuit à camper pour acheter des places de concerts ; pour des concerts de James Brown, Barry White, KC and the Sunshine band, Ray Charles… Mon premier concert de James Brown, c’était au vieux Forum quand j’avais deux ans ; mes deuxième et troisième concerts, c’était juste ici à la Salle Wilfrid Pelletier, quand j’avais cinq, puis six ans. Et je me souviens d’être là – et mon frère je vais te dire un truc – il y avait des Noirs, des Blancs, des francophones, des anglophones, des Asiatiques, des Italiens, certaines personnes qui ne parlaient même pas anglais. Mais James Brown et sa musique transcendaient tout ça. Et avance vingt ans dans le temps ; Prince faisait la même chose. Quand tu venais voir un concert de Prince, tout le monde était là. »
« Quand j’ai vu James Brown ici, j’avais cinq ans. James Brown était réputé pour être particulièrement peu ponctuel, donc le concert commençait à l’heure, mais la partie avec James commençait tard. Ses musiciens jouaient une heure d’instrumental, Lyn Collins montait sur scène pour faire un set, Bobby Byrd, Sweet Charles… Quand James Brown arrivait sur scène, il était déjà onze heure du soir. À une heure du matin, les lumières de la salle s’éteignent, la police de Montréal monte sur scène ; le couvre-feu est dépassé, the concert doit être arrêté. James regarde la police, regarde ses musiciens, il est énervé maintenant, ils l’ont coupé dans son élément. Il regarde la foule, prend le micro et dit ‘On est trois milles, ils sont douze. Donc quand je dis Debout, qu’est-ce qu’on fait ?’ Bobby Byrd répond ‘On se met debout !’ – ‘Quand je dis Debout, qu’est-ce qu’on fait ?’ Et le public commence à grimper debout sur leurs chaises. La police a ordonné l’extinction des lumières, est partie par la porte arrière, et James Brown a juste crié ‘Hit me !’ et ils ont juste repris le spectacle. Il a joué jusqu’à deux heures du matin. Ce genre d’énergie, qu’on retrouve chez Elvis, Jimi Hendrix, les Beatles, les Stones… Prince l’avait aussi. Il y a des bons artistes, et puis il y a ceux qui sont à un tout autre niveau. Tu savais que tu étais en présence d’un certain génie. Tu savais que tu n’allais pas voir un concert ; tu allais vivre une expérience. »