Hochelaga (1977)
Nicolas Mavrikakis et et Yan Romanesky - 12 janvier 2018

Hochelaga (1977) - Fernand Toupin

Credit photo : Caroline Bergeron

 

L’art des seconds peintres Plasticiens, qui se développa à partir de 1956 entre autres avec Guido Molinari et Claude Tousignant – artistes devenus célèbres par la suite –, a longtemps éclipsé le mouvement des premiers Plasticiens – LES Plasticiens – né en 1954 et qui, le 10 février 1955, lança un manifeste révolutionnaire.

 

Les artistes signataires, Jauran (pseudonyme du critique d’art Rodolphe de Repentigny), Louis Belzile, Jean-Paul Jérôme et Fernand Toupin, marquèrent profondément leur époque, bien que leur mouvement se soit étiolé rapidement. Le critique d’art Rodolphe de Repentigny (Jauran) meurt en 1956 tandis que Belzile et Toupin reviennent vite à une abstraction lyrique que Jérôme expérimentera lui aussi. Cependant, dans leur manifeste, ils avaient radicalement rompu, tous les quatre, avec ce type d’effusions picturales qualifiées de « romantiques » que l’on retrouvait chez les Automatistes (mouvement fondé dans les années 1940 par Borduas).

 

Il a fallu attendre l’année 1977 pour qu’enfin ait lieu une rétrospective des premiers Plasticiens au Musée d’art contemporain de Montréal. La même année, Fernand Toupin présente, dans deux des foyers de la salle Wilfrid-Pelletier, une exposition de ses œuvres récentes dont l’une d’entre elles fut offerte à la Place des arts. Cette œuvre monumentale intitulée Hochelaga représente bien la seconde époque de la carrière de Toupin. Dans le cadre de l’émission télévisée Rencontres, à Radio-Canada, l’artiste se confiait au journaliste culturel Marcel Brisebois. Il expliquait comment son travail s’était totalement transformé à partir de 1960 alors qu’il abandonna définitivement la peinture formaliste géométrique et plus « mécanique » des Plasticiens. Dans une explication qui convient très bien à son tableau Hochelaga, il souligne comment sa peinture « matiériste », où l’on retrouve des empâtements et des granulations, est liée à la matérialité du monde qui nous entoure : « la texture a pour moi beaucoup d'importance. […] J'aime bien qu'on sente le bouillonnement des choses en train de se faire. Le soulèvement de la vague. La fraîcheur de la neige. L'omniprésence des minéraux ». À cette époque, l’usage systématique du blanc dans ses toiles peut en effet faire penser aux paysages hivernaux du Québec.

 

« La texture a pour moi beaucoup d'importance. […] J'aime bien qu'on sente le bouillonnement des choses en train de se faire. Le soulèvement de la vague. La fraîcheur de la neige. L'omniprésence des minéraux ».

 

Toupin donnait d’ailleurs une explication sociopolitique à ce matiérisme. Dans son entrevue avec Marcel Brisebois, il poursuivait en expliquant qu’« avant 1960 » – ce qui coïncide avec le début de la Révolution tranquille – « nous n’avions aucun enracinement. En peinture, par exemple, puisque c’est là mon monde, nous étions à la remorque de tout ce qui pouvait se faire ailleurs, aux États-Unis par exemple, où les Américains avaient déjà un sentiment national. Mais à partir de 1960, on a commencé à sentir que, peut-être, on ne serait pas toujours étranger ici, que c’est notre terre […] En art, vous savez, il est capital d’avoir des racines ».

 

Hochelaga (1977)
Fernand Toupin (1930-2009)
Situé dans la Salle Wilfrid-Pelletier
Offert à la Place des arts par le galeriste Bernard Desroches

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