En résidence – réinventer la présence par la création
En ce Mois de l’histoire des Noirs, la Place des Arts propose Attachements communautaires : créer dans l’absence de l’autre, une ambitieuse résidence en arts visuels associant trois artistes dans une œuvre collective. Entretien avec la commissaire Joséphine Denis à propos de ce projet hors de l’ordinaire.
La pandémie a bousculé notre rapport à l’autre en limitant la présence physique, et les mesures sanitaires ont durement éprouvé le milieu culturel. C’est avec ces constats que la commissaire Joséphine Denis a envisagé ce projet de résidence qui met en lumière l’importance pour les communautés noires de générer des liens : « C’était important pour moi de mettre nos liens communautaires et les manières dont on tisse ces liens en évidence. De là s’est imposée l’idée d’une résidence collective. »
Trois artistes ont donc été conviés à créer une œuvre collaborative faisant dialoguer leurs pratiques artistiques respectives : Damien Ajavon et son art textile, Émilie Régnier et la photographie ainsi que Shanna Strauss, qui s’exprime à travers le multimédia. Les trajectoires de ces artistes sont aussi diversifiées que leurs créations, puisqu’ils réunissent à eux trois des origines togolaise, sénégalaise, française, américaine, tanzanienne, canadienne et haïtienne.
« C’était important pour moi de mettre nos liens communautaires et les manières dont on tisse ces liens en évidence. De là s’est imposée l’idée d’une résidence collective. »
Création à distance et relation dans l’absence
Si Émilie Régnier et Damien Alvajon interviennent à partir de Montréal, c’est depuis la Californie que Shanna Strauss prend part à la résidence, tandis que Joséphine Denis veillera sur les artistes depuis Port-au-Prince, en Haïti, et que l’œuvre prendra forme à l’Espace culturel Georges-Émile-Lapalme. « C’est vraiment magique comme structure, dans la manière dont on va créer quelque chose qui va vivre dans un même espace, sans y être tous ensemble », s’enthousiasme la commissaire.
Il s’agit d’une première pour la Place des Arts, qui a plutôt l’habitude de présenter des œuvres achevées dans sa salle d’exposition, transformée en canevas vierge pour l’occasion. Malgré la distance, l’effervescence teinte l’ambiance qui règne au sein de l’équipe de création : « Nous sommes très heureux et reconnaissants d’être en dialogue », dit Joséphine Denis.
Redistribuer les chances
Pour Attachements communautaires : créer dans l’absence de l’autre, Joséphine Denis a voulu nouer de nouvelles collaborations. « En tant que commissaire, dans mon rôle de soutien à la communauté artistique, j’essaie de partager avec différents artistes les occasions auxquelles j’ai accès », explique-t-elle.
Accueillant des milliers de passants chaque jour, l’Espace culturel Georges-Émilie-Lapalme de la Place des Arts offre une vitrine exceptionnelle aux artistes qui y présentent leurs œuvres, et la commissaire se réjouit d’y inviter différentes communautés et cultures. Les artistes sont conscients de l’importance de partager ces ressources avec leurs communautés, à la façon d’un projecteur par lequel on voudrait éclairer la plus large foule possible. « On considère cette lumière d’un point de vue collectif », affirme Joséphine Denis.
Multiplier les occasions à longueur d’année
Ce Mois de l’histoire des Noirs revêt un caractère unique, en raison de la pandémie d’une part, mais également de l’ampleur qu’a connue le mouvement Black Lives Matter depuis un an. Mais pour la commissaire, il faut éviter de concentrer les enjeux noirs sur une seule page du calendrier. « Il nous faut du soutien, une attention, des alliances et des alliés constants et à long terme, plaide-t-elle. Le jour où les personnes noires auront autant de chances, d’attention et de soutien tous les mois de l’année, on pourra dire qu’il y a progrès. »
Pour Joséphine Denis, il va de soi que la relance après la pandémie doit se faire sous le signe de l’inclusion. « On a les outils et des solutions en tête. Le partenariat entre la Table ronde de l’histoire des Noirs et la Place des Arts nous permet de concrétiser l’une de ces solutions. »
La Place des Arts souligne le Mois de l’histoire des Noirs
Depuis maintenant plusieurs années, la Place des Arts propose dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs des activités qu’elle conçoit en partenariat avec la Table ronde du Mois de l’histoire des Noirs, un organisme qui célèbre ses trente ans cette année.
« Les questions de l’inclusion, de la diversité et des communautés noires ainsi que celles des Premières Nations fait partie des orientations de nos programmes », dit Clothilde Cardinal, directrice de la programmation à la Place des Arts.
La pandémie force cette année le complexe culturel à adapter ses activités. En plus de deux entretiens diffusés en direct sur le web les 11 et 25 février 2021, le premier sous le titre « Dynamisme culturel des communautés noires à Montréal », le second intitulé « Les Afro-descendants en mouvement : la liste musicale des Fehmiu », la résidence d’artistes Attachements communautaires : créer dans l’absence de l’autre se déploie dans la salle d’exposition du 8 au 28 février.
« Il est rare que Place des Arts utilise sa salle d’exposition pour la transformer en une page blanche au jour un. Ce type de laboratoire que nous n’avons pas l’habitude d’investir m’enthousiasme beaucoup », dit Clothilde Cardinal.
Le public peut suivre l’évolution de la création collective sur le site de la Place des Arts, sur notre page Facebook et sur notre compte Instagram.
Attachements communautaires : créer dans l’absence de l’autre, du 8 au 28 février, à la salle d’exposition de l’Espace culturel Georges-Émile-Lapalme et sur le web.
De gauche à droite sur la photo : Damien Alvajon (crédit photo : Mallory Lowe Mpoka), Shanna Strauss (crédit photo : Catherine Orr) et Émilie Régnier.